A propos de l'eau en pays de Fayence: allons nous manquer d'eau?

La mise en révision du SCoT ; celle du PLU de Montauroux et des propos de René Bouchard maire de Bagnols ont mis sur le tapis, la crainte de manquer d'eau potable en pays de Fayence.

La crainte d'une pénurie d'eau est un argument pour l'objectif de réduire la croissance de la population à 0,4 % en moyenne sur les 15 prochaines années, ce qui fait 6,2 %.  Les autres arguments sont la préservation des paysages et de la ruralité.

Le maire de Montauroux a pris le parti de restreindre la poursuite de l'urbanisation dans sa commune qui est la plus sujette à la pression foncière; vice-président de la ComCom, il est chargé de l'aménagement du territoire; il fut aussi  responsable de l'élaboration du SCoT avec le cabinet Citadia en 2017-2019, il  a convaincu les maires et les élus communautaires de prescrire une révision du SCoT qui l'ont voté à l'unanimité. Par l'obligation que le PLU de Montauroux doit être compatible avec le SCoT révisé, il espère ainsi avoir tout le poids règlementaire pour réduire l'urbanisation de la commune sans crainte de recours de ses administrés, ce qui est le cas actuellement.

Je renvoie à cette intéressante étude sur les paysages  et la ruralité qui fut réalisée par le cabinet de conseils Biotope par Lise Pignon paysagiste et Anne-Laure Mériau urbaniste. Cette  étude fut missionnée à ce cabinet par le département du Var et la communauté de communes en 2014. Document 200 pages en format pdf.

 Qu'en est-il de la pénurie d'eau ? 

L'eau ne manque pas dans l'Est du Var ce que je montre ici.   Le Verdon, l'Argens, la Nartuby, l'Endre, la Siagnole, la Siagne, le Loup... Pensez y, la population du pays de Grasse et de l'Ouest des Alpes Maritimes est alimentée en partie par la Siagne via Sicasil ; Peymeinade est sa régie des eaux est alimentée par les sources de la Pare sous la montagne des Louquiers de Mons; et nous par les sources de la Siagnole aussi à Mons. Plus à l'Est, le Loup alimente aussi l'Ouest des AM par Sicasil..

En 1993, le département avait chargé à la SEM-E2S de la gestion des sources de la Siagnole pour l'alimentation en eau des communes de l'ex canton de Fayence - désormais partie du canton de Roquebrune avec Puget sur Argens depuis le redécoupage cantonal de 2014. Ce contrat de concession avait une durée de 25 ans, donc devait se terminer fin 2018. E2S a accompli sa mission de création d'un réseau moderne de production, transport et distribution d'eau brute, alimentant les réservoirs de stockage des communes, ainsi que des agriculteurs et des particuliers qui restent éloignés et/ou non connectables aux réseaux des communes. Le réseau d'E2S a une longueur de 90km.

Voici les termes de référence de la mission d'E2S extraits du contrat de concession. 

"Ce contrat de concession a pour objet l’exploitation, l’entretien, le renouvellement, la modernisation le renforcement et l’extension des canaux et conduites dérivés de la Siagnole et de leurs annexes existants ou à établir, qui constituent le canal de la Siagnole". 

Voici la carte du réseau sous forme de partage de patrimoine Source CCPF

 Dans un premier temps, la compétence production et distribution d'eau potable - devenue obligatoire pour les EPCI par la loi NOTRe - est passée à la communauté de communes du pays de Fayence, la CCPF, le 1/1/2020. La production et la distribution d'eau potable aux abonnés depuis les réservoirs des communes sont désormais assurés par la régie de l'eau de la CCPF . 

Dans un deuxième temps, la gestion de l'eau brute est passée à la CCPF le 1/11/2020. La CCPF exerce aussi l'exploitation de ce réseau en régie, en attendant la création d'une SPL 66% CCPF 34% CAVEM (le littoral) via leur délégataire le syndicat des eaux de l'Est Var SEVE. La création de cette SPL devait intervenir dans un délai de 4 mois après le 1/11/2020.  Voici le protocole de création de cette SPL

D'où vient la crainte de manquer d'eau avec la croissance de la population ?

Le problème vient du fait que six (*) de nos neuf communes dépendent en totalité ou en partie des sources de la Siagnole pour l'approvisonnement de leurs réservoirs en eau brute. Callian et Tourrettes à 100%; et partiellement mais majoritairement, Montauroux, Fayence, Saint-Paul et Bagnols en Forêt pour des raisons qui sont expliquées plus loin.
(*) L'eau de Tanneron provient d'un forage dans la Siagne; l'eau de Mons provient de sources en amont du village;  Mons a une source propre dont elle pompe l'eau seulement en cas de tarissement de sa source amont village; l'eau de Seillans provient de plusieurs sources en plus de la Siagnole et n'en dépend aussi que partiellement.

Le débit des sources (résurgences du réseau karstique) de la Siagnole varie fortement en cours d'année avec la pluviomètrie; c'est un réservoir naturel qui se remplit rapidement avec les pluies et qui se vide aussi rapidement. Le débit des sources diminue fortement en été durant la période séche quand la pluviomètrie est réduite; mais c'est aussi la période où la demande et la consommation d'eau sont plus élevées avec les résidences secondaires occupées (il y a en moyenne 27% de résidences secondaires en pays de Fayence), le séjour des touristes dans les campings, les hôtels et les locations saisonnières, les arrosages des jardins, les remplissages des piscines, les nettoyages des rues et des véhicules... etc.  Le réservoir karstique qui alimente les sources est le bassin versant de la montagne de Malay, d'une superficie d'environ 90km2  1km2 c'est 1 million de m2; en comptant une pluviomètrie annuelle de 900mm (moyenne 2003-2016), soit 0.9m, cela fait 81 millions de m3. Si 75% de cette eau s'infiltre en réseau karstique cela fait 60.75 millions de m3. Le prélèvement annuel des sources est de 9 millions de m3. Mais cette pluviomètrie moyenne 2003-2016 n'a pas de sens, car c'est le minimum qui compte; en 2017 ce fut 518mm; disons 500mm ce qui fait 30 millions de m3 et des mois à zéro.

Il est obligatoire par le ministère de l'environnement de laisser un débit à la rivière de 40l/sec en  été (3456m3/jour), ce qu'on appelle la réserve des pêcheurs;  ce point est objet de contestations. En effet cette obligation de restituer 40l/sec après prélèvement à la source Neissoun est très pénalisante lors de l'étiage; alors que la rivière est alimentée par les nombreuses exurgences en aval et que le débit de la rivière, suivi régulièrement au pont du moulin de Mons en aval des sources, ne révèle pas de manque d'eau.

• Voir la source Neissoun en  abondance
  
• Voir la souce Neissoun en étiage.
• Voir la Siagnole au pont du Moulin en aval des sources
  

L'été, en période d'étiage et de sécheresse, aux conditions d'urbanisation et de fréquentation touristique des années 2010, le prélèvement aux sources est juste suffisant pour assurer la consommation depuis les réservoirs des communes. Si la croissance de la population continue au taux des années récentes, le prélèvement aux sources sera insuffisant à court et moyen termes; d'autant plus qu'une partie notable de l'urbanisation qui se poursuit, se déroule dans les parties hautes des villages qui dépendent  exclusivement des sources. La peur de l'aggravation des sécheresses avec le changement climatique s'ajoute à ces préoccupations.

Vu la poursuite de l'urbanisation et la croissance de la population résidente permanente, vu le quasi doublement de la population en été, vu la consommation de cette population pour tous les usages de l'eau, la production de l'eau brute et potable deviendra insuffisante dans les court et moyens termes.

Ce diagnostic de l'insuffisance d'eau en relation avec l'urbanisation et la croissance de la population, fut établi lors d'une étude conduite en 2013 par le cabinet d'études Setudes ( devenu Seureca ). Cette étude était commanditée par le département du Var propriétaire des sources. Le rapport de cette étude fut publié en mars 2014 donc lors des élections municipales des 23 et 30 mars 2014.

 Ce rapport est ici . En voici les éléments essentiels. C'est l'augmentation de la population l'été en période d'étiage, et tous les usages de l'eau en cette période, qui rend la consommation supérieure à la production. Ce graphique pour Montauroux illustre bien le sujet. 

 

Extraits du rapport d'étude

• Synthèse 
• Contestation du débit de restitution 
• La ressource en eau
  
• Evolution des besoins en eau par communes 
• Analyse par communes
• Besoins futurs par communes
  
• Synoptique du réseau d'eau brute

Le maire de Montauroux dit que le  rapport Setude de mars 2014  n'a pas été porté à la connaissance des communes ni de la CCPF par le département commanditaire et financeur de l'étude.  Plusieurs des préconisations de ce rapport ont été réalisées par E2S pour l'amélioration du fonctionnement du réseau mais rien ne fut entrepris pour remédier au manque d'eau anticipé dans l'étude, notamment la réalisation d'un forage 3 à la Barrière et sa connexion au réservoir du Villaron. La fin d'E2S prévue en 2018  n'a pas permis à E2S d"empriunter à partir de 2015 ce qui a restreint sa capacité d'investissemsents. De plus les tergiversations pour la création de la SPL, censée la remplacer, ont rertardé les gros investissements de 3 années supplémentaires.

 

Il est très difficile de modéliser le réseau en production-consommation puisqu'il y a 3 éléments simultanés de variation en cours d'année: celle du débit des sources, celle du nombre de consommateurs (résidents permanents, résidents secondaires et résidents saisonniers) et celle des usages des consommateurs (100 à 700l/jour par habitant).  Le document de Setude est insuffisant sur ce point. Et il considère les taux d'accroissement historiques élevés alors qu'ils ont sensiblement diminué.

 Déjà avant l'étude de Setude publiée en mars 2014, vu la vulnérabilité des sources à la demande en été et lors des pointes,  et dans le cadre de sa mission de concessionnaire du département, E2S avait commencé à diversifier les sources de production d'eau brute en réalisant des forages dans l'aquifère de la plaine alluviale de Fayence. D'abord dans la partie la plus aval  de cet aquifère, par les forages de la Barrière sur Montauroux en 2005. Ensuite à partir de 2012,  par les forages de Tassy sur Tourrettes.  Cela consiste à alimenter les parties basses du réseau en pompant dans  l'aquifère de la plaine de Fayence, ce qui soulage les sources pour l'alimentation des parties hautes du réseau.

Le forage de la Barrière fut  initié au début des années 2000 pour alimenter les Adrets et le littoral et soulager les sources  Voir ici. Le forage de Tassy fut initié au début des années 2010  pour soulager les sources en complétant l'alimentation de la conduite F3 qui alimente le réservoir de Maracabre de Fayence et qui  descend vers Saint-Paul et Bagnols. Le but était d'implanter ce forage le plus près de la conduite F3 pour minimiser le transport.  On avait commencé par un forage sur le terrain de l'aérodrome mais il ne réussit pas cause de pollution  de l'eau due à la station d'épuration de Fayence.  C'est la raison pour laquelle l'implantation à Tassy fut choisie ensuite et qui se révéla un succès  (voir infra).

Sur Tassy 2, on trouvera ci-dessous  l'étude géologique complète par le cabinet de géologues Riou-Consultants. Elle fait le point de toutes les connaissances sur les sources de la Siagnole ainsi que sur les capacités de production d'eau brute de l'aquifère de la plaine de Fayence, y compris les forages de la Barrière.

• Demande d'autorisation d'exploiter et d'enquête publique pour Tassy2
  
• Annexes  dont la délibération du département
  

Forages de la plaine de Fayence

 La méthode pour réaliser de tels forages est de commencer par un  forage d'essai à petit diamètre pour s'assurer de la qualité bio-chimique de l'eau  et du débit possible; puis, en cas de succès, de faire un forage à plus grand diamètre qui servira à l'exploitation. Le forage à petit diamètre est utilisé ensuite pour des besoins restreints: à la Barrière (forage 1 depuis 2015  d'un débit de 20l/sec)  pour alimenter le réservoir de la gare à Montauroux qui sert les quartiers bas de la commune; à Tassy (forage 1 de débit 15l/sec)  pour alimenter des agriculteurs de la plaine agricole de Tourrettes, le stade de Tourrettes et le golf de TerreNoire. 

Forage 2 de la Barrière

Le forage 2 de la barrière, d'un débit autorisé par la DUP (5) de 100l/sec (*) est connecté à la conduite Sud (qui descend jusqu'à Fréjus réservoir de Gargalon) via un petit bassin de stockage intermédiaire (150m3) au lieu dit le Gaudon (au dessus du chemin de Fondurane ); ce forage permet l'été en période séche, de servir les Esterets du lac *) , les Adrets de l'Esterel et le réservoir du Gargalon de Fréjus pour la CAVEM-SEVE. Cela déleste d'autant les besoins de fourniture d'eau depuis les sources de la Siagnole pour Callian, Montauroux par la conduite M1, Tourrettes, Fayence, Seillans, Saint-Paul et Bagnols par les conduites F2 et F3.  Ce forage est peu utilisé même en période séche.
(*) Ce débit a été réduit à 80l/sec pour permettre le fonctionnement du forage Barrière 1 à 20l/sec en 2015, pour alimenter les quartiers bas de Montauroux via le réservoir de l'ancienne gare sur la D37 Cf. la DUP Barrière 1 du 27/10/2015 (4).

(*) Auparavant, avant leur raccordement à la conduite Sud,  les Esterets du lac étaient servis par pompage des eaux du lac de Saint-Cassien et une petite unité  de traitement de la  turbidité et bio-chimique. C'est la raison pour laquelle ce service avait été délégué à Veolia. Cette disposition aux Esterets montre que quand  l'eau existe - le lac - on peut prélever, mais il  faut en assumer pleinement le coût de production, c'est à dire le pompage et le traitement par filtration pour la rendre potable.

Forages de Tassy

L'été, en période sèche, le fonctionnement du forage de Tassy 2  permet d'alimenter Fayence Bas (réservoir de Maracabre), Saint-Paul et Bagnols en Forêt  par la  conduite F3 et de délester d'autant le réseau des sources  pour alimenter les parties hautes de Callian, Montauroux, Tourrettes, Fayence (Maluby) et Seillans. Mais ce forage est encore peu utilisé même en période séche.

 Continuer de diversifier les sources de production?

Plusieurs scénarios ont été évoqués dans l'étude Setude de 2014 pour diversifier les sources de production.

•  Prélever de l'eau au lac de Rioutard ou Meaulx et l'amener par une conduite dans la plaine de Fayence et la stocker dans un  réservoir en hauteur
• Prélever de l'eau au lac de Saint Cassien et l'amener dans un réservoir en hauteur
• Faire un forage supplémentaire à la Barrière pour alimenter les parties hautes de Montauroux pour que ces zones soient moins vulnérables en cas de sécheresse des sources. Une conduite jusqu'à Villaron a été évoquée; et même un prolongement ensuite jusqu'au Jas-Neuf pour compléter les sources et servir toutes les conduites depuis le Jas-Neuf: M1, F2 F3 et la conduite Sud.  Un tel forage nécessiterait une nouvelle étude et une nouvelle DUP.
  
• L'estimation des coûts d'investissements préconisés dans cette étude était de 10.144M€. Une partie a été réalisée. Voir ici.

Documents officiels

1. Sources de la Siagnole décret imperial du 14 juin 1870
   
2. Sources de la Siagnole Décret 2 juin 1891 
3. Sources de la Siagnole décret du 14 février 1928 
   
4. DUP Barrière 1 27/10/2015
   
5. DUP Barrière 2 16/08/2010
   
6. DUP Tassy 1 12/09/2012
   
7. DUP Tassy 2 12/05/2016
8. Arrêté préfectoral 23/11/2012 zone de protection des sources 

Conclusion 

 En conclusion je dirai que le risque de manque d'eau aux sources de la Siagnole est réel comme l'ont montré les années de sécheresse et les prélèvements minimum observés. Les dispositions prises par E2S  pour alimenter les parties basses du réseau depuis l'aquifère de la plaine alluviale de Fayence, permettent pour un temps, d'assurer l'adéquation des sources à la consommation des parties hautes du réseau. Le fait que les forages de la plaine sont  utilisés bien en dessous de leur potentiel permet d'assurer l'avenir encore pour un certain temps.

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