mercredi, septembre 08, 2021

Encore sur l'O

L'eau potable distribuée  à nos compteurs individuels pour alimenter nos cuisines, nos salles de bains et nos douches, est un phénomène récent dans l'histoire de nos sociétés. J'ai connu l'époque où on allait chercher l'eau au robinet collectif dans la rue, y compris à Paris 24 rue Taine près de la Nation dans un immeuble cossu de 6 étages. L'eau pour  permettre d'arroser en plus nos jardins, nos pelouses et nos piscines  est encore plus récent, voire un luxe, quand on compare à la disponibilité d'eau dans les grandes métropoles mondiales (9).

 Dans notre midi méditérranéen  l'eau a toujours été une denrée rare qui conditionnait l'essor des villes; je pense à Fréjus,  à Aix en Provence et Marseille et à Nimes (1,2,3). L'eau était captée dans des sources lointaines et transportée par des systèmes d'aqueducs aériens construits par les romains.

 Aujourd'hui grâce aux technologies modernes, ces systèmes de transport ont été remplacés par des conduites en fonte ou en acier de grand diamètre - 400-500mm chez nous.  En pays de Fayence, depuis les sources de la Siagnole qui fournissent la quasi totalité de l'eau, c'est 97 km des conduites qui alimentent les 15 réservoirs des communes, la moitié de Fondurane jusqu'à Fréjus. De ces 15 réservoirs partent 487km de conduites de diamètres de plus en plus petits jusqu'à chacun de nos compteurs individuels,  à partir desquels  nous alimentons nos cuisines, salles de bains, jardins et piscines.

 Les villes se sont constituées, et ont connu leur succès, en tant que pôles d'attraction de leur population, grâce à la disponibilité en eau. Les villes permettent la concentration sur des espaces restreints, de moyens de production de biens et de services, le partage des connaissances, les moyens d'éducation et les  services de santé. En contrepartie,  à la périphérie,  les zones rurales se dédiaient à la production de nourriture et de produits naturels pour les villes;  et leurs habitants trouvaient en ville les biens manufacturés et les services dont ils avaient besoin pour assurer leurs activités de production et en dériver leurs revenus de subsistance. Ce modèle - typique du moyen âge (4) mais qui a prévalu jusqu'à une époque récente, a évolué depuis 40 ans - après la 2è guerre mondiale et les dites  30 années glorieuses (8) - à cause des énergies fossiles, des transports, de l'internationalisation et de la mondialisation,  qui ont permis les échanges et les spécialisations régionales.

 La possibilité de s'approvisionner en nourriture en Italie, en Espagne, au Maroc, voire en Ethiopie, au Brésil au Pérou et en Afrique du Sud, et en produits manufacturés en Asie, au Japon,  en Corée, aujourd'hui en Chine,  en Inde...  a complètement bouleversé nos sociétés. Les producteurs de nourriture et de produits naturels locaux ont progressivement été privés de leurs sources de revenus. Dans le monde, on assiste à un phénomène d'urbanisation croissante - 60% de la population mondiale  de 7.8Milliards - et d'essor de grandes métropoles avec bidonvilles par l'afflux de populations rurales privées de revenus et attirés par la ville (5, 9). Bombay, Nairobi, Hong-Kong, Lagos, Calcutta ... New-York, Londres ...(9)

 En ce qui nous concerne, la dispersion de l'habitat sur une grande superficie  - 28000 habitants 14500 logements sur 410 km2  - est une caractéristique des 9  communes de notre territoire, bien avant la création de la communauté de communes en 2006.  C'est un processus commencé il y a 40 ans dans l'après 1968. De nombreuses parcelles de la propriété foncière de nos communes, autrefois dédiées à la production de nourriture et de produits naturels pour les villages et les villes voisines, ont été abandonnés pour ces usages et sont devenus des espaces mités de villas à grande surface individuelle et des cibles d'urbanisation supplémentaire  dans le  modèle de société qui prévaut aujourd'hui.

 Questions: "est-ce qu'on peut continuer à étendre ce modèle et est-ce durable"?

Aucun modèle n'est indéfiniment durable. La croissance exponentielle dans un monde fini est impossible.  Même avec 0.4% de croissance moyenne, cela reste une croissance exponentielle. Je n'évoquerai pas ici les positions d'une partie croissante de l'opinion sur les possibilités d'effondrement de nos systèmes de société, dans le contexte du changement climatique et de la croissance exponentielle, commencée avec le Club de Rome en 1972 et mis à jour cette année avec le dernier rapport du GIEC.

 Mais deux évolutions récentes mettent en question notre modèle actuel, y compris en pays de Fayence: le changement climatique et la pandémie COVID-19.  C'est la pandémie COVID-19 qui a mis en évidence les fragilités de notre système de société quant au modèle d'approvisionnement de nourriture et de produits manufacturés.

 Pour ce qui est de l'eau, c'est le changement climatique (6,10). Notre système dépend de la pluviomètrie du bassin versant qui alimente les sources de la Siagnole (11) d'une part, et les autres sources, celles de Seillans, celle de Tanneron (la Siagne)  et les forages dans l'aquifère de la plaine. Toutes dépendent de la pluviomètrie du même bassin versant. En cas de tarissement de ces sources à certains moments les plus secs de l'année (déficits de pluviomètrie), nous n'aurons plus de quoi maintenir remplis les réservoirs des communes pour assurer les consommations des abonnés aux compteurs. Il faudra donc alors restreindre nos usages d'eau. Le problème essentiel c'est que pour nous l'eau est un prélèvement aux sources et une répartition de ce prélèvement dans les réservoirs; ce qui n'est pas consommé est rejeté; il n'y a pas d'économie possible de la ressource puisqu'il n'y a pas de stockage. C'est du tout ou rien.

 Le seul stockage que nous ayons est l'aquifère de la plaine de Fayence. Si nous l'utilisions avec parcimonie pendant les périodes fastes - ce qui est le cas actuellement, nous pourrions y avoir recours pendant les périodes de  sécheresse. Mais cela impliquerait de pomper l'eau vers le haut - de la Barrière à la cote 200 à la cote 470, c'est à dire jusqu'au Jas Neuf, pour compléter ou même se substituer aux sources. C'est une idée qui a été suggérée par le diagnostic SETUDE effectué pour le département en 2014 (12).

 Pour être complet il faut évoquer l'idée de prélèvements dans les retenues d'eau de Saint Cassien, du Rioutard et de Méaulx. Ces idées furent évoquées  lors d'une réunion Force et Confiance le 7 décembre 2017 (13).

  1. Aqueduc de Fréjus
  2. Aqueducs d'Aix en Provence
  3. Aqueduc du pont du Gard Nîmes
  4. Le travail au moyen âge par Robert Fossier historien
  5. La croissance urbaine dans le monde; 4 hérésies environnementales
  6. Le changement climatique en région PACA. Allons nos manquer d'eau?
  7. Tous mes billets sur l'eau en pays de Fayence
  8. Trente années glorieuses 
  9. Grandes métropoles mondiales.
  10. Mes billets sur le changement climatique
  11. Bassin versant des sources de la Siagnole
  12. Diagnostic SETUDE pour le département en 2014.
  13. Force et Confiance 7/12/2017 sur l'eau

1 commentaire:

pierre Guerin a dit…

Super étude teintée d'archéologie Bravo je me suis régalé