Pavillon avec jardin : Emmanuelle Wargon revient sur sa « maladresse »
C’est une polémique de plus dont la macronie se serait bien passée. Le détonateur tenait en une simple phrase, prononcée le 15 octobre par la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon : « Le modèle du pavillon avec jardin dont on peut faire le tour n’est plus soutenable. » Cette sentence aura suscité des débats passionnés et violents.Après une semaine d’explications contrites, la ministre a accepté de revenir sur cette polémique, mais aussi sur le fond de ce dossier complexe et exaltant dans lequel les politiques avancent désormais avec prudence. Complexe, car l’État agit à travers de nombreux dispositifs d’aides publiques pour inciter à construire, louer ou rénover. Exaltant, car au-delà d’un éventuel essoufflement de ce modèle d’urbanisme hérité des années 1970, c’est à la crise de tout un modèle de développement des classes moyennes qu’il faut aujourd’hui répondre. Emmanuelle Wargon, qui appartient à Territoires de progrès (l’aile gauche de la macronie), reconnaît sans détour « une part de maladresse » dans ses déclarations, et assure au contraire chercher à encourager un modèle vertueux, capable de répondre à toutes les aspirations de l’époque. Entretien.
Le Point : Vous avez déclaré : « Nous devons désormais affirmer de façon claire que le modèle à l’ancienne du pavillon avec jardin dont on peut faire le tour n’est plus soutenable et nous mène à une impasse. » Vous attendiez-vous à de telles réactions ?
Emmanuelle Wargon : Au cœur d’un long discours, il y avait cette phrase, trop abrupte, mais l’ensemble du discours était beaucoup plus nuancé. Je reconnais tout à fait une part de maladresse et je regrette d’avoir pu donner l’impression à des gens qu’ils étaient mis en cause, ou que l’on s’érigeait en arbitre des rêves, ce qui n’était vraiment pas l’intention. Ce qui a été vécu comme une mise en cause des personnes n’était qu’un constat : il y a aujourd’hui des personnes qui se trouvent dans des situations difficiles, liées à un urbanisme insuffisamment réfléchi. Lorsqu’un logement est très éloigné de l’endroit où l’on travaille, de l’endroit où l’on fait ses courses, qu’il n’y a pas de service à proximité, pas ou plus de convivialité et que l’on est très dépendant de sa voiture, cela peut créer des difficultés pour des propriétaires qui peuvent se sentir assignés à résidence. Je n’accuse personne, car il n’y a personne à accuser, à part peut-être un système d’urbanisme qu’on a laissé se développer, mais sûrement pas les gens qui ont fait le choix du pavillon.
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Au-delà même de la question de l’urbanisme, le pavillon demeure le symbole de la construction des classes moyennes… N’est-ce pas l’absence de perspective de ces classes moyennes qui rend le sujet aussi inflammable ?
En 2019, j’ai coanimé le grand débat national. J’ai discuté avec nombre de Gilets jaunes, j’ai reçu quantité de délégations, j’ai participé à beaucoup de réunions publiques et j’ai évidemment entendu parler de ces sujets et de ces doutes. J’ai entendu des gens me raconter comment ils se sentaient parfois un peu coincés dans ces lieux qui ne sont desservis par aucun transport en commun, sans service et sans lieu de socialisation. Il y a des familles qui ont réalisé leur rêve, mais pour qui ce rêve est devenu une sorte de désenchantement. D’abord, parce que cela coûte cher, parce qu’il faut prendre la voiture pour tout, entretenir le bâti, le jardin… Pour, finalement, être confrontées – c’est surtout le cas des pavillons loin de tout – à des problèmes de revente. Quand des gens se retrouvent avec un bien acheté à crédit qu’ils ne parviennent pas à revendre et qu’ils perdent beaucoup d’argent, c’est un problème. Et quand ces difficultés sont liées à un modèle d’urbanisme, le politique doit s’en préoccuper.
Ce n’est pas la majorité…
Fort heureusement ! Cela se passe bien dans un grand nombre de cas, notamment près des villes, dans les premières couronnes de périphéries les moins éloignées. Les aspirations à la propriété sont parfaitement légitimes, c’est l’aboutissement d’un projet souvent longuement réfléchi. Le sujet, c’est où sont construites ces maisons. On a vu émerger dans certains lotissements des problèmes que l’on n’avait pas forcément anticipés, lorsque les enfants sont partis, que des habitants vieillissent sans toujours connaître leurs voisins, que les lieux de sociabilité se sont éloignés. On a retrouvé une partie de ces personnes, qui souffrent souvent de solitude, sur les ronds-points pendant les manifestations des Gilets jaunes. Ces ronds-points sont devenus des lieux où ils ont pu rencontrer des gens qui habitent près de chez eux et qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de rencontrer autrement, justement parce que leur cadre de vie ne leur permettait plus de le faire.
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On a voulu construire une classe moyenne en encourageant l’accession à la propriété, notamment pavillonnaire… Si ce modèle montre des limites, quel autre modèle peut-on inventer ?
Il faut construire des quartiers et lieux de vie dans lesquels la proximité des services et le lien social sont pris en compte, autant que l’accès à la nature, l’espace et les mètres carrés… Les zones pavillonnaires très éloignées privilégient l’habitat individuel, l’accès à la nature et l’espace, tout en sous-estimant l’impact que peut avoir l’absence de transports publics, de services, de commerces ou de lien social.
On ne peut pas se contenter de répondre à une demande de logement sans réfléchir à la manière dont il est relié aux services.
Il y a quand même une équation économique derrière ces choix, s’installer dans des zones où il y a des services, ça coûte forcément plus cher…
Pas forcément. Il ne faut pas avoir peur de regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et de s’inspirer de ce qui fonctionne pour les nouveaux programmes d’aménagements. On peut mieux relier les zones d’habitat entre elles, prévoir la construction systématique d’un arrêt de bus, d’une zone de covoiturage, d’une piste cyclable qui permet d’aller à vélo jusqu’au cœur du village le plus proche, et, pourquoi pas, au moins, d’un équipement de proximité multiservices, comme un café solidaire ou un tiers-lieu… Ce type d’infrastructure ne représente pas des dépenses insurmontables et les collectivités y prennent déjà leur part. On ne peut pas se contenter de répondre à une demande de logement sans réfléchir à la manière dont il est relié aux services et peut permettre de recréer du commun.
L’aspiration à la propriété doit-elle continuer à faire partie du rêve ? Après tout, les Allemands, qui ne sont propriétaires qu’à 51 %, contre 65 % en France, ne semblent pas plus malheureux que nous… Faut-il être propriétaire pour être heureux ?
Il faut surtout permettre à chacun de faire ce qu’il a envie de faire… L’idée n’est pas d’inciter les Français à être propriétaires ou locataires, mais de leur permettre d’avoir un parcours résidentiel fluide et en adéquation avec leur mode de vie. Les familles changent, le travail se déplace, les choses bougent et il faut que chacun puisse trouver le logement qui lui convient au moment où il en a besoin, que l’on souhaite être propriétaire ou locataire. Il faut simplement s’assurer que l’on puisse passer d’un système à un autre. Il existe par ailleurs des solutions pour faciliter l’accès à la propriété en séparant l’acquisition du terrain et du bâti, ce qui permet d’en baisser le coût. C’est un bon modèle qui permet aussi de ne pas se laisser enfermer dans le choix binaire propriétaire ou locataire…
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Nous sommes un pays tourmenté par les inégalités et on a le sentiment que la question du logement a fait éclater cet idéal, notamment en raison de la flambée des prix de l’immobilier qui rebat complètement les cartes de l’ordre social…
Ce qui est certain c’est que les enjeux du logement sont d’abord sociaux. L’action de l’État doit permettre à chacun de bien se loger, sans accroître les inégalités. Le logement, c’est d’abord un bien de première nécessité pour les Français et, ensuite seulement, un enjeu d’écologie et d’aménagement du territoire. J’insiste sur cet ordre-là.
Alors, que faire ?
D’abord, rénover, qui est la meilleure manière de redonner de la valeur aux logements existants et donc du pouvoir d’achat aux propriétaires. C’est ce que nous faisons avec Ma Prime Renov et toutes les aides à la rénovation, dans les pavillons comme dans les bâtisses anciennes en centre-bourg. Ensuite, il faut continuer à développer une offre de logements abordables, et inciter également les propriétaires à louer moins cher. Par ailleurs, pour faire baisser le prix intrinsèque du logement, il existe deux pistes : faire baisser les coûts de construction et réguler le prix du terrain. Ces pistes nous ramènent au point de départ : inciter les maires à signer davantage de permis de construire, notamment dans les zones tendues, là où les besoins sont les plus importants. C’est le sens de l’aide aux maires bâtisseurs du plan de relance, et des mesures fiscales et budgétaires annoncées par le Premier ministre en septembre à la suite du rapport de François Rebsamen sur la relance de la construction durable.
Nos grandes politiques écologiques doivent démontrer le progrès qu’elles apportent aux gens, pas seulement à la planète.
Il y a une vraie grogne devant les entrées de villes défigurées par les zones commerciales et des centres-villes désertés. Comment inverser cette tendance ?
Il est certain que le fait d’avoir construit massivement en zone périurbaine a eu un impact négatif sur les centres-villes et les centres-bourgs. Une partie de la réponse à ces phénomènes passe par le soutien à la rénovation des centres-bourgs, qui est une demande réelle, y compris de la part de gens qui quittent les grandes villes pour aller vers davantage de ruralité et qui ne recherchent pas forcément une construction neuve. Avec l’avantage fiscal Denormandie et Ma Prime Renov, nous encourageons financièrement la rénovation de vieilles bâtisses, qu’elles soient au centre d’un village ou dans une ferme. Nous n’opposons pas la ruralité aux grandes villes, bien au contraire, une bonne partie de la réponse est dans la revitalisation des centres, des villes moyennes, des petites villes, des cœurs de villages. Cette revitalisation ramène des commerces, des cafés, des lieux de vie. Cela fait partie des orientations fortes de ce gouvernement avec le plan Action cœur de ville et le Fonds friches qui sont chacun un succès. À chaque fois que l’on recrée de l’activité économique et du lien social, on réenclenche le cercle vertueux de l’attractivité. On voit aujourd’hui le prix de l’immobilier augmenter un peu dans des villes en milieu rural, cela redonne de la valeur à des endroits qui étaient en voie de désertification.
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On a le sentiment que l’écologie a du mal à faire oublier qu’elle est parfois assez peu sociale, pour ne pas dire carrément antisociale…
Les politiques publiques doivent répondre au sujet écologique et social en même temps… Quand vous soutenez la rénovation énergétique des logements, c’est bon pour la planète, c’est bon pour le confort et les économies d’énergie qui se voient sur la facture d’électricité. Éviter d’étendre la ville à l’infini sur la nature, c’est aussi éviter que des personnes se retrouvent loin de tout, c’est recréer du lien social, c’est anticiper le vieillissement de la population qui demandera d’adapter nos modèles d’habitat. Nos grandes politiques écologiques doivent démontrer le progrès qu’elles apportent aux gens, pas seulement à la planète.
On a quand même l’impression que l’État se montre parfois très offensif, voire intrusif sur ces questions… Entre les étiquettes énergétiques qui vont rendre une partie du parc impropre à la location, l’interdiction des chaudières au fioul et bientôt l’interdiction des chaudières au gaz…
L’État se doit d’être ambitieux sur ces questions, mais il est tout sauf intrusif dans la méthode. Concernant les chaudières au gaz, il n’y aura aucune contrainte pour les logements existants, il ne s’agit que des bâtiments neufs et seulement à partir de 2025. Sur l’interdiction d’installer de nouvelles chaudières au fioul, on y va progressivement. Le décret prévoira des exceptions et personne ne sera laissé sans solution. Les aides ont été très massivement augmentées et cela a déjà des effets. Actuellement, alors que les propriétaires ont le choix, moins d’un quart des chaudières au fioul sont remplacées par d’autres chaudières au fioul ! Il n’a jamais été question d’interdire les chaudières au fioul existantes, comme j’ai pu le lire, pas plus qu’il n’a été question de dire aux gens qu’ils n’avaient plus le droit de rêver à un pavillon…
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Il y a des vérités qui sont indicibles en politique ?
Le constat que je fais, c’est surtout que, quand une phrase est sortie de son contexte, caricaturée et présentée comme une accusation, elle peut devenir inaudible… Ce n’était pas mon propos et ce n’est certainement pas mon tempérament que de juger les choix des Français. On doit simplement répondre aux attentes légitimes d’aujourd’hui en apprenant de nos erreurs passées.
1 commentaire:
Si c’est la maison de Wargon , elle est dans les normes . Elle a 2 étages , un grand escaliers. Déversoir d’eau de pluies ,3 terrassements pour la lumière solaire , et un gros bassin a poisson rouge comme réserve d’eau pour arroser son potager ou elle fait ses légumes bio .Rien a dire.
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