dimanche, mai 26, 2019

L'eau en pays de Fayence: Un débat fait rage au sein de la Communauté de Communes

Pour le report du transfert de la compétence eau et assainissement à la CdC.
L'eau en pays de Fayence: Un  débat fait rage au sein de la Communauté de Communes
Les communes ont jusqu'au 1/7/2019 pour demander un report du transfert de la compétence eau et assainissement à la CdC au 1/1/2020

L'eau dont nous disposons provient principalement des sources de la Siagnole. Hors périodes sèches en fin d'été,  l'eau provient exclusivement des sources. C'est ainsi depuis les romains et la construction de l'aqueduc depuis les sources jusqu'à Fréjus, alors Forum Julii. Voir cette histoire due à Vito Valenti
Ces sources sont les exurgences du réseau karstique sus-jacent ...  très abondant issu de la montagne de Malay. Les eaux prélevées sont transportées et distribuées par le réseau de conduites d'E2S (90km environ), aux réservoirs de 8 des communes  du pays de Fayence plus les Adrets de l'Esterel, et le réservoir du Gargalon de Fréjus.
Les communes distribuent l'eau ainsi reçue, après traitement de potabilisation dans leurs réservoirs, à leurs habitants:  28000 en pays de Fayence (augmentés  en été au double), par leurs réseaux communaux respectifs, soit environ 470km de conduites pour les 8 communes du pays de Fayence. La séparation actuelle des fonctions,  production, transport et distribution d'eau brute par la Société d'économie mixte SEM E2S, puis le stockage, traitement et distribution d'eau potable aux habitants, date de 1993 date de création de cette SEM et d'un contrat de concession de 25 ans par le propriétaire foncier des sources, le département du Var; ce contrat de concession est arrivé  à échéance le 31/12/2018.  Il a été prolongé d'un an par décision préfectorale pour des raisons qui apparaîtront plus loin. Mais la SEM est une société anonyme de capital 150000€ de 10000 actions de 15€, appartenant à 7 actionnaires dont 60% sont publics - 52% département et 8% la CdC ex SIVOM; elle a été créée pour une durée de 99 ans. La non reconduction de la concession posera le problème de sa liquidation puisque son objet social sera caduc (*). Voir les statuts ici. On y trouve les conditions de liquidation article 42.
(*) la liquidation implique le remboursement du capital social de 150000€ aux actionnaires et le partage du reste de l'actif net au prorata de leurs parts. Or l'actif net au 31/12/2018 est de 11 millions d'€ et en ne retenant que les fonds propres 2 millions d'€ (source www.verif.com).

Quel est le débat.

Le débat est issu de la conjonction de deux évènements:
  1. l'obligation de transfert de la compétence eau et assainissement à la communauté de communes du pays de Fayence le 1/1/2020 en application de la loi NOTRe.
  2. la fin de la concession de la SEM E2S pour la production, transport et distribution d'eau brute le 31/12/2018
... et d'une idéologie de la CdC, la volonté de gestion en régie de l'ensemble de la filière.
Dans la perspective du transfert de la compétence eau et assainissement le 1/1/2020 et des bénéfices supposés en découler, les responsables de la CdC, dès 2017, sous l'incitation de son président René Ugo et de son directeur général des services Vivien Vial, avaient l'idée de gérer en régie l'ensemble de la filière depuis la production d'eau brute et la mise en commun des réseaux des communes pour plus d'efficacité: harmonsation des tarifs, augmentation des rendements eau distribué sur  eau produite par la diminution des fuites non facturées avant compteurs des abonnés. La référence prise pour ce mode de gestion fut la Régie des Eaux du Canal Belletrud  des sources de la Pare.
Ces propositions furent acceptées par un certain nombre d'élus et de conseillers communautaires au sein de la CdC.
Ce modèle requiérait le transfert de la propriété des sources du département à la CdC, comme c'est le cas des sources de la Pare pour la régie du canal Belletrud; et aussi non reconduction de la concession  de la SEM E2S suivi de sa liquidation, avec partage de son actif net entre les actionnaires au nombre de sept selon ses statuts dont une société privée Veolia (*).  Ce modèle requiérait aussi une transformation des liens avec les communes du littoral, groupées dans l'EPCI la CAVEM.
(*) à noter: depuis sa création, il n'y a jamais eu de dividendes distribués aux actionnaires d'E2S; les bénéfices ont toujours été réinvestis dans l'entretien, l'extension et la modernisation du réseau.
Aujourd'hui le débat provient du fait que le département du Var n'a pas accepté ce modèle,  n'a pris aucune décision à ce jour, et  la CAVEM non plus. Par ailleurs, la SEM E2S par la voix de son conseil d'administration, tient à garder son rôle de gestionnaire de ce service publique, ce pourquoi elle a proposé soit la reconduction d'une SEM après appels d'offres publiques sur les marchés conformément à la loi, soit sa transformation en Société publique locale SPL (ce qui permet de ne pas avoir à faire d'appels d'offres), soit la constitution d'un syndicat mixte.
C'est la  solution SPL qui semble préférée aujourd'hui. Une SEM doit avoir au minimum 7 associés (lien) et revoir les statuts de la SEM E2S. Une SPL doit avoir au minimum deux membres (lien); la CdC souhaiterait CdC 50%, CAVEM 35%, Département 15%. Mais c'est la présence ou non de la CdC qui est le coeur du débat actuel, en raison du possible report du transfert des compétences eau et assainissement au delà du 1/1/2020.

Car au jour d'aujourd'hui la situation se double de difficultés juridiques administratives qui empêcheraient d'avancer

La CdC semble avoir renoncé à son projet de gestion en régie de l'ensemble de la filière depuis les sources; mais elle tient absolument à ce que le transfert de la compétence eau et assainissement se fasse le 1/1/2020,  sinon elle ne pourrait pas être membre de la SPL qui se constituerait en remplacement de la SEM E2S;   car, sans le transfert, elle n'aurait pas de compétences pour le faire; en effet pour qu'un EPCI soit membre d'une SPL, il faut qu'elle ait les mêmes compétences que la SPL. Le débat actuel porte donc sur le report ou non du transfert de compétence eau et assainissement le 1/1/2020.
Un arrêt du Conseil d'état du 14/11/2018 et la récente loi votée sur les SPL et SEM dans les assemblées le 17 mai 2019 témoignent de ces  difficultés... (voir plus loin et les réf 1 et 2). Mais au fait c'est quoi le Conseil d'état?

Alors quel est le problème?

Les actionnaires des SPL et des SEML doivent disposer de l’intégralité des compétences de l’objet social.

Depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983 (en particulier la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte), les collectivités locales ont développé des sociétés commerciales, véritables bras séculiers opérationnels de mise en œuvre de leurs politiques publiques. C'est ainsi que fut créée E2S en mars 1993.
La reconnaissance de leur souplesse et de leur efficacité a permis leur développement dans de nombreux domaines de l’action territoriale (aménagement, immobilier notamment social, transport, numérique, tourisme, eau et assainissement, déchets, environnement et développement durable…).
Face aux obligations européennes de mise en concurrence auxquelles les sociétés d’économie mixte locales (ci-après « SEML ») ont été soumises, des SPL au capital 100% public ont été créées pour permettre de bénéficier d’une exception de mise en concurrence, dite « in house » ou « quasi régie » (loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 pour les SPL d’aménagement d’abord, puis loi n°2018-559 du 28 mai 2010 pour toute mission de service public ou d’intérêt général).
La question soumise au Conseil d’État concerne la possibilité pour une collectivité territoriale (commune, département, région) ou un groupement de collectivités territoriales (communauté de communes, communauté d’agglomération, métropole…) de participer au capital d’une SPL alors qu’elle n’exerce pas la totalité des compétences correspondant à chacune des composantes de l’objet social de cette dernière. Les SEML et les SPL étant des outils d’intégration et d’interopérabilité de compétences sur un même territoire, la question des compétences strictement identiques à l’ensemble de l’objet social ou simplement partagées avait fait, jusqu’à présent, l’objet de solutions divergentes de la part des juridictions du fond.
Un arrêt du Conseil d'état du 14/11/2018 a décrété que la participation d'une  collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales à une SPL est exclue dès lors que celles-ci n'exercent pas l'ensemble des compétences sur lesquelles porte l'objet social de la SPL  Voir cet arrêt ici..  C'est ce qui explique la position de la CdC à l'égard du report de la loi Notre et de la SPL envisagée pour remplacer E2S.
Mais la rigueur de cet arrêt a été atténué  cette semaine de mai 2019 par l'adoption d'une loi qui permet que seulement une partie - pas l'ensemble - des compétences soit nécessaire (Vendredi 17 mai 2019, le Président de la République a promulgué la loi n° 2019-463 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales.).

Conclusion:

Tout ce qui précède me paraît  inviter à attendre que la situation se décante. D'abord que le département se soit prononcé sur l'avenir de la concession de la SEM-E2S. Pourquoi avoir éliminé la solution SEM? pourquoi ne pas lancer un appel d'offres pour son renouvellement, auquel la SEM-E2S répondrait? Est ce certain qu'elle perdrait?  Dans ce cas, le problème de compétences de la CdC vis à vis d'une SPL  ne se poserait pas.
Dans ces conditions, le report du transfert après le 1/1/2020 paraît souhaitable. La disjonction du problème SEM E2S et transfert des compétences à la CdC n'est pas fatale, car les décideurs savent bien que la solution des deux doit être simultanée. Un report concomittant de l'un et de l'autre serait alors la bonne solution: disons 2 ans pour laisser le temps au temps. Mais le report est possible jusqu'en 2026 selon des conditions fixées (voir réf 4).
Plus: les sources:
  1. Les actionnaires des SPL et des SEML doivent disposer de l’intégralité des compétences de l’objet social. CE 14/11/2018
  2. Loi n° 2019-463 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales. 17/5/2019
  3. Régime juridique des sociétés publiques locales et des sociétés publiques locales d’aménagement
  4. Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes Conditions du report jusqu'en 2026
  5. A quoi sert le Conseil d'Etat?
  6. Sources de la Pare Canal Bellerud
  7. Statuts de la SEM E2S
  8. Sources de la Siagnole: voir cette histoire due à Vito Valenti

4 commentaires:

Electron a dit…

Il serait sage et honnête vis à vis des citoyens d'attendre après les municipales 2020 pour prendre cette décision....
Sauf si un délai maximum imposé par l'état ne le permet pas .

pratclif a dit…

L'article 1er de la loi introduit ainsi un dispositif de minorité de blocage qui donne la possibilité aux communes de reporter le transfert obligatoire des compétences « eau » et/ou « assainissement » au 1er janvier 2026, si 25 % des communes membres représentant 20 % de la population intercommunale s'opposent à ce transfert avant le 1er juillet 2019. Voir ce lien questions au Sénat.

Electron a dit…

D'après FC , décision serait prise lors du conseil CDC du 24/06 prochain.Et selon lui il n'y aurait aucun gain à se précipiter !
sauf s'il y a droit de regard et sièges à la future SPL.
A suivre ...

pratclif a dit…

la date limite pour le report c'est le 1/7/2019.