Dans la famille des énergies renouvelables, le mix hydraulique-solaire-éolien est souvent cité en trio de tête. Mais pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et écologique de la France, la filière biomasse joue un rôle de plus en plus prépondérant, notamment via le bois-énergie. «
Le bois représente déjà, en France, 50 % de l’énergie [renouvelable] consommée pour produire de la chaleur, souligne Emilie Machefaux, cheffe du service forêt à l’Ademe. La programmation pluriannuelle de l’énergie fait d’ailleurs peser sur le bois d’ambitieux objectifs puisqu’elle prévoit une hausse de la consommation de chaleur produite à partir de la biomasse de 20 % d’ici à 2023 et de 30 à 40 % d’ici à 2028, par rapport à 2017. » Le recours accru au bois pour produire de l’énergie explique en bonne partie la montée en puissance de la biomasse, première énergie renouvelable en France, selon l’Ademe. Si l’utilisation du bois comme combustible remonte à plusieurs millénaires, les progrès réalisés en matière d’automatisation et d’optimisation en font désormais une ressource plébiscitée pour ses effets positifs sur l’indépendance énergétique, la réduction des gaz à effet de serre, la protection de l’environnement, le développement des emplois locaux non délocalisables, soulignait déjà la chercheuse Sylvie Pellerin-Drion en 2013.En dépit de ses « précieux atouts », la filière bois-énergie est parfois associée au phénomène de déforestation à l’œuvre sur d’autres continents. Face aux ravages de l’exploitation aveugle de certaines forêts d’Amérique du Sud, d’Afrique ou encore d’Asie du Sud-Est, d’aucuns s’interrogent sur l’approvisionnement de cette filière en France et sa durabilité. Sur ce sujet, un premier constat s’impose : d’après les données de l’Agreste (site spécialisé dans la statistique agricole), la production de plaquettes forestières utilisées pour le chauffage ne mobilise que 7 % de la récolte totale de bois commercialisé en France métropolitaine. Comme l’explique Sylvie Pellerin-Drion, le bois-énergie arrive, en effet, en toute fin de la chaîne de valorisation puisqu’il concerne le bois ne pouvant être employé à d’autres fins. Il ne représente, de fait, qu’un des nombreux segments des usages du bois dans l’Hexagone. « Le bois en énergie n’est pas une utilisation finale recherchée en sylviculture, ce n’est qu’un sous-produit d’exploitation. […] Aucune forêt française n’est destinée à la seule production de bois-énergie », rappelle le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Et d’ajouter qu’« une forêt sous-exploitée, vieillissante, non entretenue, dans laquelle le bois s’accumule est plus sensible aux perturbations de son écosystème ».
Les différentes opérations sylvicoles réalisées dans le cadre de la gestion des forêts conduisent à des coupes régulières. Les éclaircies consistent notamment à éliminer certains arbres blessés ou malades au sein d’un peuplement, afin d’apporter l’espace, la lumière et l’eau nécessaires au développement des arbres sains. Le produit de ces coupes d’éclaircie ou sanitaires sera valorisé sous forme de bois énergie. Ce dernier est aussi issu de l’utilisation d’écorçages, de sciages ou de rabotages issus de la transformation du bois d’œuvre et du bois d’industrie. Les bois en fin de vie et les déchets de bois sont aussi utilisés.
Forêts françaises : une bonne santé à préserver
En France, contrairement à d’autres régions du monde, l’exploitation des forêts est strictement encadrée par le code forestier qui reconnaît d’intérêt général la protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d’une gestion durable. L’Office national des forêts (Onf) est chargé, au titre du service public, d’accompagner les propriétaires dans l’élaboration d’un document de gestion de la forêt qui prévoit toutes les interventions – coupes, renouvellement, travaux écologiques ou encore travaux d’accueil du public – sur une période allant de 10 à 20 ans. Les forêts privées de plus de 25 ha sont elles aussi soumises à l’obligation de se doter d’un document de gestion durable.
Les certifications forestières sont complémentaires au code forestier, en offrant des garanties supplémentaires en matière de gestion durable. Non obligatoires, elles s’inscrivent dans le cadre d’une démarche volontaire mise en place par certains forestiers. Sur le territoire métropolitain, deux labels internationaux existent : le FSC (Forest Stewardship Council) et le PEFC (Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières). En 2018 en France métropolitaine, 5,6 millions d’hectares de surfaces forestières étaient certifiés PEFC et 56 000 hectares étaient certifiés FSC, faisant du modèle hexagonal une référence pour beaucoup de pays étrangers. Quatrième plus grand territoire boisé de l’Union européenne (deuxième en comptant les département et territoires d’outre-mer), la France voit sa superficie forestière progresser année après année, alors même que l’approvisionnement en bois augmente lui aussi. Avec 16,9 millions d’hectares, cette surface s’est étendue de plus de 50 % depuis 1908 et a même doublé depuis 1820. Ces 35 dernières années, elle a continué à progresser de 80 000 hectares par an, un rythme qui n’a pas faibli au cours des dix dernières années, selon l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) dans son inventaire forestier 2020.
Si l’exploitation durable des forêts françaises ne nuit pas à leur expansion ni à leur qualité, ne favorise-t-elle pas la plantation d’arbres résineux ? L’orientation d’une parcelle forestière vers des essences feuillues ou résineuses dépend en grande partie de la qualité des sols et des contraintes du territoire. Le propriétaire fait son choix en fonction, notamment, des produits de bois d’œuvre qu’il souhaite valoriser. L’Onf rappelle à ce titre que les conifères, très prisés pour la construction, ne sont pas indiqués pour le chauffage. « Il est préférable de privilégier les feuillus, plus denses que les résineux », affirme l’organisme. De fait, l’expansion des peuplements feuillus dans les forêts françaises, qui en couvrent 71 % de la surface, est plus marquée que celle des résineux, et leur proportion respective n’a pas varié en un siècle.
Pour continuer à assurer la bonne santé des forêts françaises face au
changement climatique tout en contribuant à lutter contre ses effets,
le ministère de l’Agriculture a lancé en décembre un dispositif inédit de renouvellement forestier
dans le cadre du plan France Relance. Une volonté d’aller plus loin
dans la préservation et l’adaptation des forêts, mais aussi de la
biodiversité, des sols et de toutes les richesses qu’elles recèlent.
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