mercredi, mars 08, 2023

Changement climatique: "on va dans le mur", prévient Louis Bodin, le monsieur météo de RTL et TF1

Le Monsieur météo de RTL et TF1 met en garde contre ceux qui pensent pouvoir tout prévoir et "font croire de fausses choses". Cet optimiste inoxydable sera à Saint-Raphaël jeudi soir.

L’homme incarne la voix et le visage de la météo, sur RTL depuis deux décennies et à TF1 depuis 2010. Aux débuts de sa carrière dans les années quatre-vingt, le jeune prévisionniste Louis Bodin ne s’attendait pas à parler tous les jours aux Français d’un sujet qui deviendrait aussi vital et clivant.

Si le climatoscepticisme s’arrête le plus souvent aux portes de la météo, celle-ci n’est pas exempte de faux apôtres – c’est en tout cas ce que pense Louis Bodin.

Pas alarmiste non plus, l’homme assume son optimisme. Peut-être est-ce la part de l’amoureux de voile, de montagne et d’aéronautique qui lui fait accepter les tempêtes.

Celui qui se décrit comme "épicurien de la planète", revendique son "humilité" devant les événements climatiques. Sans laisser de place au doute face à l’urgence planétaire. C’est ça, la ligne Louis Bodin.

L’ingénieur météorologue veut participer au débat, "apporter son témoignage", c’est pourquoi il donne des conférences dans toute la France. Ce jeudi, il prend la parole à Saint-Raphaël: "Quand la météo nous apprend à réfléchir sur notre terre."

Comment liez-vous la météo avec la question du climat? Est-ce l’objet de votre conférence?

C’est exactement ça. Quand on devient un météorologue, on apprend dès l’école le rapport qu’on doit avoir à la terre. Pour faire de bonnes prévisions, il faut connaître le temps qu’il fait sur toute la planète. Comprendre la nature, c’est oublier les frontières. La pollution, les nuages, les courants marins, la biodiversité, les animaux, ne connaissent pas les frontières. La météorologie, ça apprend l’humilité.

Et on parle de météo partout.

Aujourd’hui, on est dans une société qui veut tout prévoir, qui a la prétention de dire voilà ce qu’il va se passer demain, avec des affirmations qui m’effraient énormément. En fait, au quotidien, quand on est plongé dans le fait de voir comment la météo va évoluer, on ressent de l’humilité. Cela fait 40 ans que je fais de la météo et je vois bien qu’on a progressé; mais pas tant.

Les prévisions à plusieurs mois ne seraient pas fiables?

Tout le monde a des prévisions sur son smartphone à quinze jours, trois semaines, voire plus. Mais scientifiquement, au-delà de 4 à 5 jours, allez, une semaine en étant optimiste, eh bien je n’en sais rien et la science ne sait pas. Les prévisions saisonnières, c’est la même chose. J’entends dire: "L’été prochain sera comme ci, l’hiver comme ça." Non, on n’en sait rien. La recherche travaille.

On en attend trop?

Je pense à l’épisode qui s’est déroulé en Corse l’été dernier, avec la tempête qui a ravagé une partie de la côte nord-ouest autour de Calvi. "Comment? On n’a pas pu prévoir?" Et bien, non. On peut avoir une prévision d’orages violents, mais dire précisément où le plus violent va passer, on ne sait pas faire.

Sécheresses extrêmes, records de température… sont-ils des signaux du changement climatique?

On ne m’a pas vu réagir d’une manière outrancière pendant l’été dernier. Pourquoi? C’est exactement les arguments qu’attendent tous ceux qui sont sceptiques et veulent jouer à l’autruche. Quand vous dites que les températures incroyables de l’été dernier montrent le réchauffement, celui qui a regardé une carte du monde a vu que la glace n’avait jamais aussi peu reculé au pôle Nord, et qu’au Brésil, ils ont eu un record d’hiver austral, avec 2°C à Rio. Si on s’arrête à des événements dans un sens ou un autre, on peut toujours trouver un contre-argument.

Comment regarder alors?

Ce qui est important, c’est ce que j’appelle le bruit de fond, c’est-à-dire cette élévation moyenne de la température, irrémédiablement. Les agriculteurs moissonnent à des dates différentes de ce qu’ils faisaient il y a 30 ou 40 ans, les vendanges se font trois semaines avant. Ça, c’est l’expression du réchauffement climatique. Et de l’influence humaine. Le meilleur exemple, c’est Monsieur Trump, qui a connu deux hivers très rigoureux pendant son mandat aux États-Unis. Il a eu beau jeu de dire, "Dites donc, il est ou votre réchauffement climatique?" Non Monsieur Trump, le sujet n’est pas un événement particulier, c’est le bruit de fond qui est indéniable et on le voit sur toutes les courbes moyennes d’élévation de températures sur la planète.

Que faire des marges d’erreur et incertitudes?

Même s’il y a des incertitudes et c’est normal, la science donne un signal fort. Je finis toujours mes conférences comme ça. Je ne sais pas ce que sera la température dans 20 ans. Sauf que c’est une alerte rouge qu’émet la connaissance. Huit milliards d’humains sur cette terre ne peuvent pas continuer à impacter la planète de cette façon-là, parce que là, on va dans le mur.

Vous avez dû casser le référentiel: "Le ciel bleu est une bonne nouvelle"?

Voilà! Je reprends la canicule de 2003. Je témoigne de cette erreur, que j’ai pu faire comme d’autres. On présentait des cartes toutes jaunes et on disait, "vous allez pouvoir vous baigner", en oubliant les personnes âgées qui pouvaient en mourir.

Le discours a complètement changé. Comme la pluie qui revient cette semaine. Je le dis, c’est une très bonne nouvelle. C’est quelque chose qui va nous faire du bien. C’est pour cela que la météo nous apprend à réfléchir sur notre terre. On fait partie de cette nature. On a notre place et on a des responsabilités, par rapport aux espèces, aux générations futures. Mais je suis optimiste et je pense que c’est un défi qu’on relèvera.

Savoir+

Les conférences de 18h59, Palais des congrès de Saint-Raphaël, jeudi 9 mars. "Quand la météo nous apprend à réfléchir sur notre terre" par Louis Bodin Gratuit sur réservation Tél. 04.98.11.89.00.

Source Var Matin Sonia Bonnin Le 07/03/23 à 20h03

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