En raison de la sécheresse et d’ouvrages de stockage insuffisants, l’île est confrontée à un stress hydrique. Pourtant, la ressource y est abondante…
Conséquence : des restrictions d'usage de l'eau ont été mises en place pour économiser la ressource. Il est désormais interdit d'arroser les espaces verts, de laver les véhicules, de remplir les piscines privées… sous peine de se voir infliger une amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros. Les indices d'humidité des sols sont très faibles, selon Météo-France, tout comme les espoirs de pluies salvatrices. Le remplissage des barrages est tombé sous la barre des 40 %. « Le niveau des retenues reste au-dessus des seuils d'alerte, explique la préfecture. Mais ils sont soumis à des prélèvements supérieurs à la moyenne pour cette période de l'année, du fait d'une consommation en hausse. »
« Sauf miracle, les stocks ne nous permettront pas de passer l'été »
La pénurie n'est désormais plus de l'ordre de l'hypothèse. À Rogliano, petite commune de 500 âmes à la pointe du Cap Corse, le maire (DVD), Patrice Quilici, ne cache pas son inquiétude. Les ressources sont au plus bas et font craindre le pire : une coupure du robinet, en raison d'une pluviométrie en baisse et d'infrastructures de stockage insuffisantes. « Nous avons déjà consommé plus de la moitié de nos réserves, observe-t-il. Avec le démarrage de la saison touristique, la population va tripler et, sauf miracle, les stocks ne nous permettront pas de passer l'été. » Dans l'impasse, la commune a opté pour une solution d'urgence : l'acquisition d'une unité de dessalement, pour puiser l'eau de mer, qui pourrait être opérationnelle au mois d'août, faute de mieux.
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Ce n'est pourtant pas là le moindre des paradoxes dans une île qui reçoit en moyenne près de huit milliards de mètres cubes de précipitations chaque année. Problème : même si la pluviométrie a baissé, la Corse ne stocke que 100 millions de mètres cubes, faute d'ouvrages suffisants pour capter cette ressource. « La sécheresse et le changement climatique ne sont pas seuls en cause, considère Paul-Félix Benedetti, conseiller territorial du parti indépendantiste Core in fronte et ingénieur hydraulique de formation. La Corse accuse un retard historique en matière d'infrastructures. Nos moyens de stockage, utilisés à 100 %, sont très insuffisants. Il faudrait au moins doubler nos capacités pour faire face à l'évolution des besoins liés à la croissance démographique et à l'irrigation pour envisager un développement agricole, aujourd'hui empêché faute d'accès à l'eau. »
600 millions d'euros d'investissements d'ici à 2050
Dans l'île, la dernière construction d'ouvrage hydraulique remonte à 2002. Depuis, aucun aménagement d'envergure n'a été réalisé, malgré la manne de deux milliards d'euros offerte ces vingt dernières années par le plan exceptionnel d'investissement (PEI), financé par l'État. En juillet 2020, l'Assemblée de Corse a adopté un grand plan visant à moderniser les infrastructures actuelles et à créer de nouveaux ouvrages.
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Sous l'égide de l'office d'équipement hydraulique de la Corse (OEHC), ce document stratégique prévoit 600 millions d'euros d'investissements sur trente ans. « Cette situation de tension appelle une réponse d'urgence pour augmenter nos capacités et rattraper progressivement notre retard, estime Gilles Giovannangeli, le président autonomiste de l'OEHC. Cela passe par des remises à niveau et des rehausses d'ouvrages qui devraient nous permettre de gagner 15 millions de mètres cubes de réserves supplémentaires à court terme. Pour autant ces actions ne peuvent pas occulter les efforts à réaliser pour faire évoluer les comportements par rapport à l'utilisation de cette ressource et avoir une gestion plus efficiente de l'eau. » Des conditions sine qua non, de l'avis de l'exécutif autonomiste, pour tenter de passer cette « période transitoire » à l'heure où les changements climatiques se manifestent plus vite que la déclinaison de cette politique de grands travaux imaginée à l'horizon 2050.
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