La sécheresse historique les conforte dans leur opposition: plusieurs milliers de manifestants ont tenté samedi de déjouer l'interdiction de la préfecture des Deux-Sèvres et un imposant dispositif de gendarmerie pour atteindre le chantier d'une réserve d'eau qu'ils comptent bien «reboucher». Quelque 4000 manifestants, répartis vers 14h en trois cortèges, se sont très vite heurtés aux 1500 gendarmes déployés pour protéger le chantier. Des gaz lacrymogènes ont été lancés. Des élus arborant leur écharpe tricolore molestés, notamment la députée écologiste de la Vienne, Lisa Belluco.
Sept gendarmes et trois manifestants ont été blessés dans les heurts qui ont éclaté, a annoncé la préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée, qui n'a «pas de précisions sur la nature des blessures». Elle a également fait état de six interpellations. Dans l'après-midi, des manifestants «antibassines» ont réussi à forcer les grilles protégeant le chantier de la réserve d'eau. Une partie d'entre eux a également réussi à parvenir à l'intérieur. Les trois cortèges se sont désormais rejoints autour du chantier, où de nouveaux heurts ont éclaté entre gendarmes et manifestants.
Avec une surface à couvrir de plusieurs hectares, les forces de l'ordre ont du mal à contenir la foule, dans laquelle des centaines de militants masqués ou cagoulés côtoyaient des familles et de nombreux retraités. Deux fourgons de gendarmerie sont entrés en collision lors d'une manœuvre d'urgence.
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Les forces de l'ordre ont brièvement interpellé Julien Le Guet, porte-parole de «Bassines Non Merci», collectif d'associations, syndicats et groupes anticapitalistes opposés à cet «accaparement de l'eau» destiné à l'«agro-industrie», a constaté un journaliste de l'AFP, qui l'a vu ensuite avec un bandage et un filet de sang le long du nez. Celui-ci déclarait plus tôt : «Aujourd'hui, ça va bien se passer, les forces de l'ordre n'auront pas d'autre choix que de reculer et nous allons danser dans ce cratère.»
Objectif «reboucher le trou» et «empêcher la reprise des travaux»
L'objectif des organisateurs? «Réussir à atteindre la bassine, à enlever toutes les grilles qui protègent le chantier, à reboucher le début du trou, empêcher la reprise des travaux», selon un tract diffusé sur place. «Sainte-Soline, c'est 720.000 mètres cubes d'eau sur plus de 10 hectares, 18 kilomètres de tuyaux pour des agriculteurs, dont pas un n'a renoncé aux pesticides. On ne veut pas que ça se fasse ici, on ne veut pas que ça se fasse ailleurs», a déclaré samedi Melissa Gingreau, porte-parole du collectif «Bassines Non Merci», qui rassemble des associations environnementales, organisations syndicales et groupes anticapitalistes.
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«Je ne supporte pas cette appropriation de l'eau pour une petite partie d'agriculteurs», déclare Odile, qui arbore un badge «No Basaran», le slogan de la manifestation. Avant de s'élancer, les manifestants se sont rassemblés dans un champ prêté par un paysan, constellé de barnums et d'un chapiteau jaune portant l'inscription «Maïs pour tous, justice nulle part».
La préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée a dit samedi redouter «une manifestation violente» et rappelé qu'elle était «interdite», en raison des dégradations et heurts ayant émaillé un précédent rassemblement en mars. «Nous ne laisserons pas un cortège revendicatif, ou des groupes d'individus, s'approcher du chantier de la réserve de substitution», a-t-elle ajouté.
260 piscines olympiques
Les réserves de substitution sont des cratères à ciel ouvert, recouverts d'une bâche en plastique et remplis grâce au pompage de l'eau des nappes phréatiques superficielles l'hiver. Ils peuvent stocker jusqu'à 650.000 m3 (soit 260 piscines olympiques) d'eau pour irriguer l'été, quand les précipitations se font plus rares.
Celle de Sainte-Soline est la deuxième d'un projet de 16 élaboré par un groupement de 400 agriculteurs réunis dans la Coop de l'eau, pour «baisser de 70% les prélèvements en été», dans cette région encore soumise à des restrictions d'irrigation après une sécheresse estivale hors norme.
«On est le 29 octobre, c'est sec partout, c'est aberrant d'accaparer toute l'eau disponible pour quelques cultivateurs de maïs», a dénoncé l'eurodéputé Yannick Jadot, présent sur place comme d'autres élus écologistes, dont la députée Sandrine Rousseau.
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Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s'est dit d'accord avec les opposants sur «la nécessité qu'on diminue collectivement (...) nos usages d'eau», mais a souligné sur France inter que le «projet n'avait pas de conséquences négatives pour les nappes» phréatiques, selon un rapport récent.
Selon cette étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le projet pourrait, par rapport à la période 2000-2011, augmenter «de 5% à 6%» le débit des cours d'eau l'été, contre une baisse de 1% l'hiver, sans prendre en compte l'évaporation potentielle des futures réserves, ni la menace de sécheresses récurrentes liée au réchauffement climatique.
Christophe Béchu a également rappelé que le «plan signé par tout le monde il y a quatre ans» après une longue concertation entre agriculteurs, élus, autorités et associations, conditionnait l'accès à l'eau à des changements de pratiques (réduction des pesticides, plantation de haies, conversion à l'agroécologie).
Mais aucun des dix agriculteurs utilisant la première retenue «n'a souscrit de réduction de pesticides», selon Vincent Bretagnolle, membre du comité scientifique et technique de suivi (CST) du projet, et depuis la signature, plusieurs associations se sont retirées du protocole.
Denis Mousseau, président de la FNSEA 79 qui défend ce projet de stockage, a rappelé jeudi à l'AFP «la forte inquiétude» des agriculteurs locaux face à ce rassemblement. «On ne lutte pas contre les agriculteurs, on lutte contre les outils de l'agro-industrie qui fait disparaître les paysans», a déclaré Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. «En 30 ans, le nombre de paysans a été divisé par trois».
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