vendredi, juillet 14, 2023

"Nous avons lancé un véritable plan Marshall": comment René Ugo veut assurer l'approvisionnement en eau dans le Pays de Fayence

Après l’absence de pluie de l’été 2022 et l’épisode de turbidité de ce printemps, le maire de Seillans et président du Pays de Fayence détaille son plan pour qu’à nouveau, l’eau coule de source.
Source Var Matin Grégory Parigi  Publié le 12/07/2023

Pour le maire de Seillans et président du Pays de Fayence, René Ugo, il "faut de la solidarité entre les collectivités" pour assurer l'approvisionnement en eau.
(photo abondance d'eau mais turbidité et distribution de bouteilles)

C’est une zone particulièrement impactée par les conséquences du réchauffement climatique. Dans le Pays de Fayence, l’eau est au centre de toutes les attentions. Et pour cause… Elle se fait rare.

L’été dernier, la sécheresse a durement frappé cette communauté de communes située autour du lac de Saint-Cassien. Tant et si bien que des restrictions de consommation avaient dû être imposées et que le village de Seillans, dont René Ugo est le maire, a un temps été ravitaillé par camion-citerne.

La localité, comme ses voisines, avait alors attiré l’attention des médias qui y voyaient la préfiguration de l’avenir de toutes les communes françaises à plus ou moins long terme. Il y a quelques semaines, c’est un phénomène inverse qui a frappé les habitants de six communes (Seillans, Mons, Tourrettes, Callian, Fayence et Montauroux) lorsque l’eau est devenue impropre à la consommation durant plusieurs jours en raison d’un haut niveau de turbidité de la Camandre et de la Siagnole.

Pour Var-matin, le président du Pays de Fayence évoque ces crises, les critiques à l’encontre de sa gestion et le plan de la communauté de communes pour économiser et rationaliser cette ressource vitale.

Début juin, l’eau du robinet devenait impropre à la consommation à Seillans, puis dans cinq communes voisines. Avez-vous été surpris?

Non. Car, s’il n’est pas fréquent, ce phénomène est connu. Après la très longue période de sécheresse que nous avons connue, les fortes précipitations du printemps ont violemment ruisselé entraînant dans la Camandre les poussières et particules qui ont causé la turbidité de l’eau. Quelques jours plus tard, c’est la Siagnole, qui alimente plusieurs communes du Pays de Fayence, qui était à son tour touchée. Les normes particulièrement strictes alliées au principe de précaution ont conduit l’ARS à déclarer l’eau courante impropre à la consommation.

la turbidité se produit lors de pluies intenses qui remplissent rapidement le réservoir karstique de la Siagnole; ce n'est pas nouveau. Le réservoir se vide d'abord par les conduits de grande taille entraînant les argiles déposées au cours des temps. Ce qui est nouveau, ce sont les normes et règlements sanitaires pour assurer la qualité sanitaire des eaux destinés à la consommation humaine, règlements que l'on trouve ici sur le site de l'ARS PACA 
PGSSE https://tinyurl.com/yckkk7wp

NDLR La régie de l'eau doit investir pour traiter les épisodes de turbidité quand ils se produisent  par de la filtration; cela peut se faire avant l'entrée des réservoirs (il y en a 38 en pays de Fayence)  ou au Jas Neuf pour une partie; La Régie de l'eau étudie les deux possibilités ou une combinaison des deux. Il faut qu'en période d'abondance, les usagers consomment l'eau sans restriction pour alimenter les recettes de la Régie et permettre ces investissements. En cas d'étiage et de menaces de rupture de l'approvisionnement les usagers doivent adopter des comportements de sobriété. C'est tout l'enjeu de l'ambassadeur de l'eau en cours de recrutement par la Régie de l'eau. 


Comment jugez-vous la réaction de la régie des eaux et de la population?


Dans une situation pareille, on ne peut pas agir sur le niveau de la turbidité de l’eau. On ne peut qu’attendre qu’il baisse. En revanche, nous ne sommes pas restés les bras ballants. La régie a informé en temps réel les usagers inscrits. Dans chacune des communes concernées, nous avons distribué de l’eau en bouteille. Au total, 356 000 litres d’eau minérale ont été ainsi écoulés. Chacune des municipalités concernées a joué le jeu et les usagers se sont montrés compréhensifs.

L’été dernier, la sécheresse qui a frappé toute la France n’a pas épargné Seillans. Comment avez-vous vécu cet épisode et les critiques concernant votre gestion du réseau d’approvisionnement?

J’ai été l’un des premiers maires de France à ne plus avoir d’eau dans sa commune. J’ai donc essuyé les plâtres et j’ai vu de nombreux journalistes défiler dans ma commune. Évidemment, j’ai reçu quelques critiques. Quand l’eau vient à manquer, il est facile de mettre cela sur le dos du maire et d’expliquer qu’il n’a rien fait et qu’il a laissé les réseaux se dégrader. Mais aujourd’hui, on se rend bien compte qu’il s’agit d’un phénomène mondial. Quant aux habitants, ils ont d’abord été surpris voire choqués par la situation. Mais après la stupeur, les gens ont compris les restrictions et ils se sont fait un devoir de réduire leur consommation.

Avez-vous constaté un changement dans les mentalités?

Oui. Aujourd’hui, tout le monde est conscient que l’eau est devenue rare. Cela est vrai dans nos petites communes mais aussi dans les grandes villes comme Monaco ou Nice. On assiste à la même prise de conscience que celle qui s’est manifestée, il y a quelques années, autour du tri des déchets. C’est aussi à nous d’aider la population à adopter de nouveaux comportements. Nous le faisons à la Maison de l’eau ou via des flyers et des messages sur les réseaux sociaux. Nous incitons les habitants à équiper leurs robinets de mousseurs. Pour quelques euros, ces dispositifs permettent de réduire le débit en donnant une impression de volume à l’utilisateur. Nous sommes d’ailleurs en train d’en distribuer aux professionnels du tourisme dans le cadre d’un partenariat. En échange de ces dispositifs, ils s’engagent à transmettre les bons usages aux touristes.

Que répondez-vous à ceux qui dénoncent une vétusté des réseaux d’approvisionnement en eau potable de votre intercommunalité?

Évidemment, on ne peut pas attendre d’un réseau rural un rendement semblable à ce qui se fait dans les grandes villes. Là-bas, les taux de rendement peuvent atteindre 90%. Sur notre communauté de communes, ce taux est de 75%. Il est supérieur au taux moyen de la ruralité qui se situe autour de 73%. Il est surtout bien meilleur qu’avant la reprise de cette compétence par la communauté de communes, en 2020. Le taux de rendement n’était alors que de 63%. Pour parvenir à redresser le tir, nous avons passé un contrat avec une entreprise dracénoise qui a traqué les fuites. Il y en avait beaucoup, en raison de la nature argileuse de notre sol. Notre communauté de communes a prouvé son sérieux dans la gestion de l’eau. Aucun maire ne reviendrait en arrière aujourd’hui.

Comment aborde-t-on l’été dans le Pays de Fayence, quant à la question de l’eau?

Le niveau des réserves est correct grâce aux pluies de ce printemps. Le plateau situé au-dessus de la Siagnole étant peu végétalisé, l’eau pénètre rapidement les sols. C’est moins le cas pour les nappes qui alimentent Seillans. Il faudrait encore quelques précipitations pour qu’elles soient rechargées. Dans ma commune, la restriction de consommation d’eau est maintenue au niveau de 150 litres par jour et par personne. Il n’y a pas de restriction dans les autres communes.

Comment comptez-vous assurer la pérennité de l’approvisionnement du Pays de Fayence pour les décennies à venir?

Nous avons lancé un véritable Plan Marshall qui comporte plusieurs mesures. D’abord, nous poursuivons notre état des lieux des réseaux et nos prospections pour trouver de nouveaux sites où effectuer des forages… Tout en poursuivant le programme de rénovation des conduites anciennes dans les communes. En outre, notre territoire a besoin d’un gros réservoir d’équilibre, d’une capacité équivalente à 48 heures de notre consommation. Il serait situé au-dessus des réservoirs actuels, dans le secteur de Tourrettes-Callian et permettrait de lisser l’approvisionnement des autres réservoirs de manière régulière pour éviter qu’ils ne se vident totalement par moments. Ensuite, nous travaillons, avec nos voisins Dracénois, à la possibilité d’un raccordement à la nappe du camp de Canjuers (cela concerne Seillans ndlr). Si nous pouvions y prélever de l’eau, cela nous permettrait d’équilibrer nos réserves. Sur ce dossier, nous sommes confiants. En ce qui concerne l’eau, les collectivités ne doivent pas être concurrentes. Elles doivent s’entraider. Il faut plus de solidarité.

Quel sera l’impact de ces chantiers sur les factures des usagers?

Il est vrai qu’il va falloir déployer des moyens suffisants pour permettre ces investissements. Pour ce faire, il est nécessaire d’harmoniser la tarification d’ici deux ans. Pour l’heure, les usagers ne payent pas le même prix, en fonction de leur commune. Il faut que tout le monde soit au même niveau. Il y aura des gagnants et des perdants.. Mais, là encore, c’est une question de solidarité.

En période d'abondance comme après les pluies récentes début juin, il faut consommer l'eau sans restriction et alimenter les recettes de la Régie de l'eau pour lui permettre d'investir dans l'adaptation des réseaux. En période d'étiage il faut que les usagers adoptent volontairement des comportements de sobriété comme ils l'ont fait en 2022 avec un vrai succès reconnu par la Régie comme par les élus. NDLR



Raccordement au lac de Saint-Cassien: un projet en deux temps

Parmi les projets portés par René Ugo et la communauté de communes du Pays de Fayence pour assurer un approvisionnement pérenne en eau, le plus emblématique est sans doute celui du raccordement au lac de Saint-Cassien.

Un projet en deux temps dans lequel le président de la collectivité place beaucoup d’espoirs: "Cette idée est bien acceptée par la population et par la société du canal de Provence avec qui nous avons un accord de principe. Il s’agit d’une opération à 15 millions d’euros pour laquelle nous allons rechercher des financements européens. Dans un premier temps, le but est d’assurer l’alimentation en eau des agriculteurs. Ils pourront ainsi arroser leurs cultures sans puiser dans notre réseau d’eau potable. Cela permettra de libérer de l’eau potable pour la consommation humaine. Cette première phase pourrait être réalisée d’ici 2028. Dans un deuxième temps, on peut imaginer la construction d’une station de potabilisation afin d’alimenter notre réseau d’eau courante."

En ce qui concerne l'agriculture, celle-ci ne prélève actuellement qu'un petite quantité d'eau; il n'y a qu'une centaine d'abonnés agricoles. Par ailleurs ce sont principalement vigne, oliviers, plantes à parfums, pas des cultures vivrières. L'enjeu est de faire venir des agriculteurs pour productions vivrières. Un enjeu en relation avec les projets de zones agricoles protégées à mettre en place.

Par ailleurs, le lac de Saint-Cassien c'est la même origine d'eau que la Siagnole certes en plus grande quantité quant au réservoir karstique; mais en cas de sécheresse  la ressource du lac sera affectée aussi

NDLR

Plus: Voir mon billet de ce jour 17 juillet 2023.... 

 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Comment peut on encore écouter et lire ce monsieur UGO ?